L’accord CPTPP

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En 2018, l’Assemblée nationale a ratifié l’Accord global et progressif de partenariat transpacifique (CPTPP).

Selon des spécialistes, le CPTPP pourrait aider le Vietnam à augmenter son PIB national et ses exportations de 1,32% et de 4,04% d’ici 2035. En outre, les engagements en termes de services et d’investissement dans le cadre de cet accord devront produire des effets positifs sur l’amélioration du climat de l’investissement, la création d’emplois, l’augmentation des revenus et la réduction de la pauvreté… Cependant, aucun secteur ne bénéficiera que de conditions favorables ou défavorables selon cet accord.

Le journal en ligne VietnamPlus a eu une interview avec Nguyen Thi Thu Trang, directrice du centre OMC et Intégration de la Chambre d’Industrie et de Commerce du Vietnam (VCCI).

Le CPTPP ne vas pas produire de grands chocs

– Outre les opportunités, quels défis apportera le CPTPP au Vietnam ?

Nguyen Thi Thu Trang : Avec 10 accords de libre-échange déjà signés, outre le CPTPP et l’accord commercial avec l’Union européenne qui devrait être conclu prochainement, le Vietnam figure parmi les économies ayant un grand nombre d’accords de libre-échange dans le monde. C’est pourquoi il existe des préoccupations concernant la résilience de l’économie vietnamienne et de ses entreprises aux effets d’une intégration trop profonde.

Le Vietnam figure parmi les économies ayant un grand nombre d’accords de libre-échange dans le monde. Photo d’illustration : Vietnam+
Le Vietnam figure parmi les économies ayant un grand nombre d’accords de libre-échange dans le monde. Photo d’illustration : Vietnam+

Je pense qu’une plus grande ouverture du marché aux partenaires puissants dans le cadre du CPTPP imposera de grands défis aux entreprises vietnamiennes en termes de concurrence. En outre, les engagements stricts constitueront un grand défi pour l’Etat et les entreprises dans le contexte où le système juridique et le climat des affaires du Vietnam laissent encore à désirer.

Je pense qu’il s’agira de l’ouverture du marché à des partenaires sélectionnés et dans l’intérêt commun

Parmi les 10 partenaires dans le cadre du CPTPP, sept bénéficient déjà des privilèges accordés par le Vietnam selon des accords de libre-échange signés auparavant. Les trois autres que sont le Canada, le Mexique et le Pérou, en raison de la distance géographique, ne devront pas apporter de grande concurrence au Vietnam. Les entreprises vietnamiennes ne devront pas ainsi subir un grand choc sur le marché national.

Auparavant, le Vietnam a déjà accordé des privilèges à des partenaires qui sont très concurrentiels, dont les membres de l’ASEAN, la Chine, la République de Corée, le Japon… Ces dernières années, les entreprises vietnamiennes ont appris à cohabiter pour continuer de se développer en dépit de la forte concurrence. C’est pourquoi je suis convaincue que les entreprises et l’économie vietnamiennes ne seront pas trop choquées par la concurrence entraînée par le CPTPP.

Du point de vue institutionnel, les stricts engagements dans le cadre du CPTPP demanderont au Vietnam d’adopter des changements considérables. Cependant, cet accord ne change pas les bases de l’OMC. En outre, pas moins d’engagements selon le CPTPP sont totalement conformes aux orientations des réformes au Vietnam. De plus, l’accord apportera au pays de nouvelles assistances techniques, une pression raisonnable et des conseils pour son processus de réforme.

Le CPTPP apportera au pays de nouvelles assistances techniques, une pression raisonnable et des conseils pour son processus de réforme. Photo d’illustration : Vietnam+
Le CPTPP apportera au pays de nouvelles assistances techniques, une pression raisonnable et des conseils pour son processus de réforme. Photo d’illustration : Vietnam+

Rechercher des opportunités

D’après vous, quels secteurs seront-ils bénéficiaires du CPTPP et quels secteurs rencontreront des pressions concurrentielles ?

Nguyen Thi Thu Trang : Selon un rapport rendu public en mars dernier par la Banque mondiale, les secteurs de l’agroalimentaire, des boissons, du textile-habillement, du cuir et des chaussures, et plusieurs autres, devraient connaître une croissance élevée grâce au CPTPP.

Du point de vue des exportations, les produits chimiques, le cuir et le plastique, les véhicules de transport, les machines et équipements…, devraient voir leurs exportations progresser fortement.

Cependant, l’agriculture, les minerais et la métallurgie devraient subir une diminution de la production et des exportations.

Il est incontestable que les entreprises vietnamiennes se sont bien adaptées à un environnement plus concurrentiel. Par ailleurs, les textes juridiques concernant les affaires ont été sujet à une modification jamais aussi grande.

Concernant l’agriculture, malgré les prévisions sur les difficultés, certaines filières comme les produits tropicaux, les fruits et légumes auraient des opportunités. En revanche, l’élevage rencontrerait des défis car sa compétitivité est encore trop faible et les adversaires sont puissants.

Nguyen Thi Thu Trang, directrice du centre OMC et Intégration de la Chambre d’Industrie et de Commerce du Vietnam (VCCI). Photo : Vietnam+
Nguyen Thi Thu Trang, directrice du centre OMC et Intégration de la Chambre d’Industrie et de Commerce du Vietnam (VCCI). Photo : Vietnam+

Toutefois, je souligne que les études sur les effets du CPTPP se basent sur des hypothèses et que la réalité pourrait être tout à fait différente.

Aucun secteur ne sera évidemment bénéficiaire ou affecté par le CPTPP. Seuls les secteurs et les entreprises qui sauront profiter des opportunités pour mener des investissements, pourront espérer des rendements.

La majorité des entreprises vietnamiennes sont des PME qui se limitent au marché national. Donc, qu’est-ce qui se passera dès l’entrée en vigueur du CPTPP ?Nguyen Thi Thu Trang : L’entrée en vigueur du CPTPP correspondra à une ouverture de l’économie vietnamienne aux partenaires selon les engagements déjà pris, ainsi qu’à la réalisation des devoirs.

Les défis sont divisés en deux groupes. L’un concerne une concurrence plus acharnée sur le marché national. L’autre est lié aux exigences imposées aux entreprises, lesquelles seront plus strictes et demanderont un coût plus élevé pour satisfaire.

Au moment de l’adhésion du Vietnam à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) ou à des accords de libre-échange, les entreprises vietnamiennes ont dû faire face à des défis quasiment similaires. Après plus de 10 ans, il n’existe pas moins de regrets.

La majorité des entreprises nationales ne se sont limitées qu’à l’adaptation, peu d’entre elles ont su profiter des opportunités engendrées par l’adhésion à l’OMC.  Photo : Vietnam+
La majorité des entreprises nationales ne se sont limitées qu’à l’adaptation, peu d’entre elles ont su profiter des opportunités engendrées par l’adhésion à l’OMC. Photo : Vietnam+

Cependant, il est incontestable que les entreprises vietnamiennes se sont bien adaptées pour continuer d’exister dans un environnement plus concurrentiel. Le système juridique sur les affaires a été sujet à une modification jamais aussi grande. Pourtant, la majorité des entreprises nationales ne se sont limitées qu’à l’adaptation, peu d’entre elles ont su profiter des opportunités engendrées par l’adhésion à l’OMC.

Il est vrai que de nombreux textes juridiques ont été amendés mais il existe encore des obstacles et de l’incohérence entre les textes d’application.

Par ailleurs, de nombreuses opportunités créées grâce aux privilèges fiscaux ont été abandonnées. Outre les causes objectives, ce phénomène s’explique par plusieurs causes subjectives. Par exemple, les entreprises n’ont pas été au courant des opportunités ou elles l’ont sues mais n’ont pas agi, ou encore leurs actions n’ont pas rapporté de rendement à cause des obstacles dans les formalités administratives…

Pour les 10 accords de libre-échange déjà signés, après plusieurs années, le taux moyen d’utilisation des privilèges fiscaux n’est que de 30%. Photo : Vietnam+
Pour les 10 accords de libre-échange déjà signés, après plusieurs années, le taux moyen d’utilisation des privilèges fiscaux n’est que de 30%. Photo : Vietnam+

Je pense qu’il s’agit là des enseignements pour l’application du CPTPP, tant pour les entreprises que l’Etat.

Il est important que les entreprises vietnamiennes se renseignent sur le contenu du CPTPP, évaluent les opportunités et les défis, élaborent des plans appropriés et les mettent en œuvre.

De son côté, l’Etat devra intégrer les engagements du CPTPP dans le système juridique, assurer une application facile et transparente, accélérer la réforme administrative et améliorer le climat des affaires pour aider les entreprises à profiter au mieux des opportunités.

Attirer les investissements étrangers

– Quelles sont vos évaluations sur les capacités, les compétences et les préparatifs des autres parties au CPTPP ?

Nguyen Thi Thu Trang : Je n’ai pas suffisamment d’informations précises sur les préparatifs des partenaires. Malgré ça, pour six pays qui ont déjà ratifié l’accord, ils ont eu des rapports d’évaluation des effets du CPTPP sous différents angles.

Certains pays ont également préparé des scénarios pour compenser les pertes financières en raisons des engagements douaniers. Plusieurs ont établi des portails d’information pour aider leurs entreprises à se renseigner sur le CPTPP.

Ce qui importe, c’est que les organes compétents, notamment ceux des localités d’accueil des investissements, doivent être aptes et responsables pour détecter et refuser les projets nocifs.

Cela montre que les gouvernements et les entreprises d’autres pays ont déjà commencé à se préparer au CPTPP.

Avec le CPTPP, le Vietnam deviendrait-il un atelier où les pays voisins chercheraient à laisser de vieilles technologies et à profiter des opportunités pour accéder aux marchés d’autres parties à l’accord ?

Nguyen Thi Thu Trang : Le fait que les entreprises étrangères investissent au Vietnam pour saisir les opportunités du CPTPP semble une chose évidente.

Le Vietnam cherche lui-même à attirer des capitaux étrangers pour créer davantage d’emplois, augmenter les revenus et favoriser le développement économique. Ainsi, l’attraction des investissements étrangers grâce au CPTPP sera un avantage.

La délocalisation de vieilles technologies polluantes au Vietnam constitue une vraie préoccupation. Les organes compétents n’ont pas moins d’outils pour faire face aux risques. Une application stricte pourra aider à prévenir les risques.

L’attraction des investissements étrangers grâce au CPTPP sera un avantage. Photo : Vietnam+
L’attraction des investissements étrangers grâce au CPTPP sera un avantage. Photo : Vietnam+

Ce qui importe, c’est que les organes compétents, notamment ceux des localités d’accueil des investissements, doivent être aptes et responsables pour détecter et refuser les projets nocifs.

Dans le contexte du CPTPP, les projets nocifs pourront être plus nombreux. Pour prévenir les risques, les organes compétents devront être plus responsables, respecter strictement les processus de supervision, améliorer leurs compétences dans l’expertise et l’autorisation des projets. Cela semble l’unique solution pour traiter les risques.

Je vous remercie !

L’Accord global et progressif de partenariat transpacifique (CPTPP) comprend sept articles et une annexe sur les liens avec l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) signé le 6 février 2016 en Nouvelle-Zélande par 12 pays, sur le traitement d’autres questions relatives à la validité, au retrait ou l’adhésion au CPTPP.

Le CPTPP préserve le contenu du TPP en permettant à ses membres de retarder la réalisation de 20 groupes de devoirs, dans le but d’assurer l’équilibre des droits et devoirs entre les pays membres après le retrait des Etats-Unis du TPP./.

Photo d’illustration : Vietnam+
Photo d’illustration : Vietnam+